Son projet pour le Musée Basque

Témoin(s) : Sabine Cazenave

"Nous sommes dans un musée ethnographique mais je dirais un peu comme à l'anglo-saxonne. Parce qu'il s’appelle Musée Basque et de l'histoire de Bayonne, il a plutôt tendance à être un musée de société. Ce sont des musées où il y a un versant ethnographique comme il y a ici, avec des objets qui attestent de faits civilisationnels mais il y a aussi des œuvres d'art en général. Dans les musées américains ils mêlent les deux alors qu’en France c'est moins courant ; c'est donc assez particulier au Musée Basque et c'est une bonne idée. L'idée, c'est donc de tirer un peu le musée vers ce côté musée de société avec une envie de mettre sur un pied d'équité les objets du génie populaire, généralement anonymes, et des œuvres d'art qui elles ont la particularité d'être des constructions intellectuelles. Dans la salle où nous nous trouvons, cela me gêne un peu que les œuvres d'art ne soient regardées que comme des illustrations de faits religieux ou sociaux ; souvent elles sont rentrées ici non pas comme des œuvres d'art mais parce qu'elles illustraient une place de village, une fête Dieu ou tel ou tel autre fait de la civilisation basque. Mon projet, c'est qu'elles soient regardées à la fois comme des témoignages de choses qui sont souvent disparues mais aussi comme des œuvres pour elles-mêmes. Pour les objets c'est un peu la même chose mais avec le processus inverse ; souvent ils ne sont regardés que comme des objets qui perdent peu à peu de leur sens parce que les gens ne les voient plus agis dans les campagnes. Quand on les a installé ici entre les années vingt et quarante, ces objets étaient en fonctionnement ; à Barcus chez mes grands-parents, j'ai vu des charrettes comme celle que l'on expose ici. Aujourd'hui, les jeunes gens qui voient une charrette comme cela pensent qu'elle sort du néolithique. Donc, il faut faire en sorte que ces objets qui sont en train de devenir muets ne le deviennent pas pour les générations futures. Notre travail va donc consister à contextualiser les œuvres et les objets, les uns par rapport aux autres mais aussi par rapport au réel, c'est à dire le travail de collecte du dit, des sons, des images... Beaucoup de choses existent déjà bien évidemment, à l'Institut culturel basque, dans les différentes sociétés sachantes comme Euskaltzaindia par exemple ou à l'INA aussi ; je suis d'ailleurs en train d'acheter les droits de films qui ont été réalisés entre les années vingt et quatre-vingt, qui permettent de comprendre, quand on les pose à côté d'un objet ou d'une œuvre, en quoi ces objets-là sont des archétypes de la civilisation basque, cela redonne un contexte à l'ensemble des objets qui sont ici. C'est notre travail pour les dix années qui viennent, parce qu'autrement j'ai peur que le fil soit non seulement distendu mais sans doute rompu.

J'ai cinquante-six ans, je sais ce qui a changé à partir des années soixante, certes cela a commencé à changer avant, mais c’est là que tout s'est accéléré, il est donc important que l'on puisse très vite reprendre la collecte de ce qu'il s'est passé des années quarante-cinq aux années deux milles. Si on ne le fait pas maintenant, ce sera dispersé et ce sera perdu. Par exemple, l'un des facteurs de changement au Pays Basque a été le clivage entre l'arrière-pays et la côte. Il y a un tas de choses qui attestent de cela à partir des années soixante soixante-dix, jusqu'aux années deux milles. Il faut par exemple collecter ce qui atteste d'une forme de développement des loisirs sur la côte, comme certains restaurants, certains commerces ; si on ne le fait pas maintenant, il sera trop tard. Les objets que l'on voit ici ont tous été collectés, hormis les œuvres, dans le dernier quart du XIXe et dans le premier quart du XXe siècle. Cela veut dire que l'on n'a pas collecté les années trente, quarante, cinquante, ni rien jusqu’aux années deux milles. On est déjà en 2020. C'est à cela que sert un musée, à ne pas perdre le fil. C'est un vecteur tendu entre le passé, le présent et un futur dont on ne sait pas de quoi il sera fait. C'est cela le projet d'un musée et c'est le projet de ce musée. Il y a une dimension territoriale, une dimension de collecte, d'acquisition, et il y a une dimension de présentation."


Témoin(s) : Sabine Cazenave

Fonds d'archives : Archives de l'Institut culturel basque

Collection(s) : Entretiens "Témoins de la culture basque"

Collections de témoignage(s):

Collecteur(s) : Jasone Iroz

Date : 08-09-2020

Durée : 0:06:59

Référence : EKL-18-2

Code d'archives de l'ICB : EKL-18-2

Thème(s) : Culture, Musée


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